Les hydravions à Saint-Chamas

 

Je me propose ici de vous faire connaître un peu de l’histoire des hydravions à Saint-Chamas et plus particulièrement celle de l’école d’aviation Gnôme-et-Rhône qui était située au Canet, à l’emplacement du camping actuel.

Dans le Bulletin n° 9 des Amis du Vieux Saint-Chamas, tout un chapitre parle de cette école. Je me suis permis, avec l’accord des Amis du Vieux Saint-Chamas, de compléter cette étude et d’y apporter les quelques précisions et modifications que je pense être nécessaires. Des compléments d’information enrichissent le texte initial et la présence de quelques photos, récentes ou anciennes, ajoutent des éléments supplémentaires à la bonne lecture de cet article.

Les moyens actuels de recueil de l’information d’une part, et ma modeste connaissance de l’histoire de l’aéronautique d’autre part me permettant une approche complémentaire du sujet.

Dans le livre de Monsieur Paul Lafran, « Le Folklore de Saint-Chamas-en-Provence » j’ai trouvé, dans le chapitre qui parle des « Fielois », un élément intéressant pour étayer l’article qui va suivre.

Je vais pouvoir allier deux de mes passions, qui sont celle de mon village, Saint-Chamas, et celle de l’Aviation.

Puissent ces quelques lignes vous faire découvrir ou redécouvrir cette partie de l’histoire de notre village qui reste méconnue et qui n’est pas pour autant dénuée d’intérêt. Le temps passe et les acteurs aussi. Il serait intéressant que cette étude soit complétée dans le futur. Je m’y emploie et ne désespère pas d’y apporter de nouveaux éléments. Tout un domaine demande à être exploré de manière systématique, je pense notamment aux différentes archives des musées aéronautiques que je n’ai pas encore eu le temps de consulter.

Bonne lecture.

Jean Michel Vacherot


L’hydraviation, ses origines.

Je commencerai par vous parler de Monsieur Henri Fabre, père de l’hydravion.

L’hydravion est une invention française : le marseillais Henri FABRE a décollé et amerri le 28 mars 1910 sur l’étang de Berre. En fait foi le constat d’huissier établi le jour même par maître Raphel ; ce constat permettra d’établir l’antériorité des travaux de FABRE sur ceux de l’américain Glenn CURTISS qui fait décoller, le 25 janvier 1911, son premier hydravion muni d’un flotteur central. L’année suivante un ingénieur discret, François DENHAUT, construit un appareil qui se pose directement sur le fond de sa coque. Déjà apparaît la distinction fondamentale entre l’hydravion à flotteurs et l’hydravion à coque. Les anglais dirent seaplanes pour les premiers et flying boats pour les autres. Les allemands ont aussi deux mots: wasserflugzeug et flugboot.

Henri FABRE (29 novembre 1882/29 juin 1984)

Issu d'une famille de marins, Henri Fabre partage sa vie entre Marseille, où il est né, Lumbin et La Terrasse dans l’Isère.
Très jeune il s'intéresse à toutes les techniques nouvelles et particulièrement à l'aviation qui en est à ses débuts. A 14 ans, le jeune garçon lance un planeur modèle réduit, de la falaise de Saint-Hilaire du Touvet (Isère), qui atterrit dans la plaine. A 20 ans Henri Fabre est licencié ès sciences "chimie et physique industrielle".
Il pense déjà au vol humain à bord d'une machine découlant de ses observations faites sur les oiseaux, les voiliers et les nouveaux moteurs d'automobiles.

Le premier vol en avion date du 09 octobre 1890.

Il fut réalisé par le français Clément Ader (1841/1925), à bord de l’Eole. C’est lui qui invente le mot « avion ». De « avis », oiseau, en latin.
Après des études à l'Ecole Supérieure d'Electricité de Paris, Henri Fabre obtient en 1906 son diplôme d'ingénieur.
Encouragé par son père qui cautionne ses travaux, il se consacre alors à la réalisation d'un hydravion et étudie à l'aide d'un bateau tous les paramètres nécessaires : voilure, aérodynamique, flotteurs et moteurs, dont un sera monté sur une voiture, afin d'étudier la propulsion par hélice.
Cet essai se fait à Lumbin.
Après plusieurs tentatives difficiles, le premier hydravion "Henri Fabre" décolle de l'étang de Berre, le 28 mars 1910. Henri Fabre réussit  quatre vols consécutifs, dont un de 600 mètres.

Le lendemain, Fabre parcourait six kilomètres au-dessus de l'eau, décollant et amerrissant facilement.
L'appareil est présenté au Salon de l'Aéronautique et deux mois plus tard, il volera en Amérique.
Sur la fin de sa vie de centenaire il aura la joie d’assister aux premiers essais de vol en deltaplane. Ces essais ont lieu sous ses yeux puisque les engins décollent des falaises de Chartreuse et atterrissent à Lumbin.

L'hydravion d'Henri Fabre est la première machine volante au monde à avoir décollé puis atterri sur la surface de l'eau.

Le premier hydravion du monde, exposé maintenant au Musée de l'Air et de l’Espace au Bourget fut accidenté en mai 1910 puis fut remis dans un état proche de l'original par une équipe d'enthousiastes de l'Aérospatiale.

Jusqu’en 1984, l'hydravion "Henri Fabre" était exposé dans le hall de l'aéroport de Marseille Marignane.

Je cite ici Monsieur Henri Fabre :

1908

Je songeais à faire un hydravion, à surface immergée, inspiré de l'Italien Forlanini, mais j'y renonçai.

Sous le nom d'hydrofoils on construit maintenant de grands navires rapides utilisant « ces surfaces immergées » (services réguliers entre la France et l’Angleterre).

On n'en construit pas de petits. Sans doute pense-t-on, comme moi en 1908, qu'ils sont trop fragiles.

1909

Je fis un hydravion qui fut le père de ce qui se fit longtemps en France et en Angleterre. Ma véritable invention est là.

1910

Le moteur Gnôme puissant et léger me permit de faire le premier vol au monde d'un hydravion, mais pour l'adapter au Gnôme, je fis un appareil " Canard " qui s'écarta des caractéristiques de l'hydravion de 1909. A cause de cela ce type d'appareil n'eut pas d'avenir en tant qu'hydravion.

HYDRAVION FABRE

1910

Envergure 14 m x Longueur 8.50 m, poids 380 kg

MOTEUR GNOME TYPE OMEGA
Frères SEGUIN (Louis 1869-1918, Laurent 1883-1944)
1909

Moteur rotatif, refroidissement par air, 7 cylindres en étoile, alésage 110 mm, course 120 mm, cylindrée 8 litres, puissance 50 chevaux à 1200 tours/minute, masse 76 kg.

Les Seguin commencent fin 1907 l’étude du 1er moteur rotatif spécialement conçu pour l’aviation, et qui sera plusieurs années durant le meilleur des moteurs d’aviation. Le 27 août 1909 au cours du meeting de Reims, Henri Farman remporte les records du monde de distance (180 km) et de durée (3 heures et 15 minutes) sur avion Voisin, moteur Oméga. Le 28 mars 1910, en décollant de l’étang de Berre, Henri Fabre devient le 1er pilote à voler avec un hydravion de sa fabrication, équipé du moteur Oméga.

Cufin

On l’a lu plus haut, c’est dans l’étang de Berre, à la Mède, que Fabre réalise le premier l’exploit de faire voler un hydravion.

Pourtant, c’est Saint-Chamas qui est choisi par un autre pionnier, plus obscur, Cufin pour réaliser des essais avec le même type d’appareil.

Le port est d’un accès aisé. L’hydravion peut-être mis facilement à l’eau grâce au plan incliné du quai sud, toujours en activité de nos jours pour la mise à l’eau et la sortie de bateaux de plaisance et aussi de bateaux de type Off-Shore, preuve que Saint-Chamas est encore un lieu privilégié pour des activités quelque peu hors du commun. Ce plan incliné permet de sortir ou de mettre dans le port les lourdes bettes des pêcheurs (barques de pêche  manœuvrées soit à la rame soit à l’aide de voiles).

En 1912, Cufin effectue ses essais. Aidé par de nombreux badauds, il met son hydravion dans le port. Tout ce monde travaille gratuitement, ce qui est une des caractéristiques des gens de cette époque. Verrait-on la même chose de nos jours ?

Pendant plusieurs semaines, le spectacle était permanent sur les quais du port où un grand nombre de curieux assistaient à la mise à l’eau de l’appareil. Cufin sortait alors son engin du port le moteur pétaradant. Il décollait péniblement et se dirigeait dans l’anse de la Poudrerie, et régulièrement il tombait dans les marais. Non moins régulièrement les pêcheurs avec leurs bettes allaient le chercher et le ramenaient dans le port.

Cufin, pestant, ne se plaignait que d’une seule chose : le hangar (la remise Arnoux qui fait le coin de la rue Marcel Bœuf et de la rue Gabriel Péri) à quelques dizaines de mètres de la base de mise à l’eau, était trop petit. Seule la queue de l’appareil était abritée. Le propriétaire a alors fait construire un hangar en briques pour abriter le reste de l’hydravion. C’est le père de Monsieur Paul Lafran, assisté de Monsieur Eugène Burel, son manœuvre, qui ont construit ce hangar.

La remise Arnoux de nos jours.

Entre temps, les essais, infructueux, ont continué sous le regard amusé des badauds de plus en plus nombreux car la visite au port pour aller voir l’hydravion connaît un succès incroyable.

Patiemment, on a continué d’aider Cufin : mise à l’eau de l’appareil, sauvetage et remorquage jusqu’au port, sortie de l’eau, remorquage à la remise Arnoux en cours d’agrandissement. Les travaux terminés, Cufin part avec son appareil, abandonnant les essais à Saint-Chamas.

Cela lui vaut un couplet que l’on chante sur l’air des fiélois :

L’aviatour Cufin

Ni desgourdi, ni fin

Voulié veni voula

A Sant-Chamas

Mai voulié l’angar fa

Uno fé l’angar basti

L’aviatour es parti.

L’aviateur Cufin

Ni dégourdi ni fin,

Voulait venir voler

A Saint-Chamas.

Mais il voulait le hangar fait

Une fois le hangar construit

L’aviateur est parti.

L’Ecole d’hydraviation du Canet

Après ces essais plus ou moins réussis (nulle part je n’ai pu trouver de documentation ou de photos qui pourraient étayer, à la fois le but de ces essais, leur finalité et leurs résultats), on ne parlera plus d’hydravions à Saint-Chamas. Qui était Cufin ? Un riche amateur de sensations fortes qui volait pour son plaisir sur une machine qu’il avait achetée, un pilote professionnel chargé de développer l’invention de Henri Fabre ? Nul ne le sait.

Il faudra ensuite attendre une quinzaine d’années pour que le golfe de Saint-Chamas intéresse à nouveau les pionniers de l’hydravion. Déjà, Berre avait été choisi, après la guerre de 1914/1918, pour abriter une base militaire aéronavale. Au même moment, le lac de Hourtin, dans la région bordelaise sert de cadre à l’entraînement des pilotes.

La société Gnôme-et-Rhône, spécialisée dans la construction des moteurs, créé vers 1929 une école où seront formés les pilotes. C’est une école civile qui sous-traite pour la Marine Nationale cette formation.

Les terrains situés au lieu dit le Canet, en bordure de notre golfe, sur la route de Berre sont achetés par l’intermédiaire de Maître Barthélémy, notaire à Saint-Chamas.

On y construit un bâtiment en fer à cheval pour les élèves et les cadres et un vaste hangar, en 1932, dont la porte est tournée vers l’étang, pour les hydravions et les services d’entretien.

Ce hangar a été démonté et reconstruit en 1947 à Melun Villaroche, sur le site de la SNECMA pour les besoins des essais en vol. Il a été démonté et transporté pièce par pièce par des péniches. Il a servi aux essais en vol de la SNECMA de 1948 à 1964.

Il  abrite maintenant, depuis 1985, sous le nom de « Le Saint-Chamas » le musée de la SNECMA, société héritière de la firme Gnôme-et-Rhône. Ce hangar est maintenant classé au Patrimoine National.

Hangar maintenant à Melun. (Photo : Musée de la SNECMA).

Au bord de l’eau, face à celui-ci, une plate-forme est bâtie pour la grue qui assurera la mise à l’eau et la sortie de l’eau des appareils.

Hangar hier et aujourd’hui. (Photo : Musée de la SNECMA).

Le terrain est une vaste oliveraie. Une source d’eau, abondante, assure le ravitaillement de l’établissement. Une vaste clôture grillagée entoure le domaine. Côté route, sur ce grillage, de grosses lettres métalliques : Etablissement Gnône-et-Rhône, visibles de la voie ferrée, amuseront les chasseurs qui les prendront pour cible en revenant de la chasse !

Les constructions de l’école existent encore, elles abritent maintenant les services d’un beau camping magnifiquement situé au bord de l’étang particulièrement clair en cet endroit, à proximité de la plage de Beaurivage. Il s’agit du camping du Canet.

Un directeur nommé par la société Gnôme-et-Rhône, est à la tête l’école. Il est assisté d’un adjoint, d’un comptable et d’un secrétaire. Ce dernier assurera par la suite les deux fonctions.

Le directeur loge dans l’école qui est gardée par un ancien garde chiourme de Cayenne.

L’aile ouest abrite les services administratifs et l’aile nord les salles d’étude.

Le vaste hangar est situé à une centaine de mètres au nord, face tournée vers l’étang. Côté sud, il abrite les hydravions qui ne sont en fait que des avions que l’on a aménagés, pour qu’ils puissent se poser sur l’eau, par l’adjonction de flotteurs. Plus tard viendront des hydravions à coque et ballonnets. Côté nord, les ateliers qui assurent l’entretien des appareils. Entre les deux, le magasin complément indispensable des services de réparation.

Quelques aviateurs célèbres :

C’est à bord d’un hydravion, le 12/13 mai 1930, que Jean Mermoz fera la première traversée commerciale de l’Atlantique sud sur un appareil conçu par l’ingénieur Couzinet, « L’Arc en Ciel », troisième du nom.

Jean Mermoz L'Arc en Ciel

Arrivée de la première traversée commerciale
de l'Atlantique sud.

Et c’est aussi sur un hydravion, de type Laté (Latécoère) 300, « La Croix du Sud », qu’il disparaîtra, le 07 décembre 1936, en assurant la ligne régulière du courrier France/Amérique du Sud.

La Croix du Sud (empennage) La Croix du Sud

Jean Mermoz est né 09 décembre 1901 à Aubenton dans le département de l’Aisne. Il commence, en avril 1920, une carrière dans l’Armée de l’Air qu’il quittera en mars 1924.  Breveté pilote le 29 janvier 1921 suivant certains biographes, le 02 février 1921 suivant d’autres, à Istres . Après plusieurs mois de galère, (il a juste tourné pour un film « La Fille de l’Air », actrice principale Suzanne Grandet, dans lequel il immergea dans la Seine un vieux Sopwith), il intègre, le 13 octobre 1924, la Compagnie Latécoère (qui deviendra le 11 avril 1927, l’Aéropostale) .

En 1930, il est à l’école de Saint-Chamas pour passer son brevet d’hydravion en vue des grandes traversées océaniques qui le rendront encore un peu plus célèbre. Cependant, dans sa biographie de Mermoz, Joseph Kessel ne parle pas de l’école de Saint-Chamas, mais de Berre. Pourtant la base aéronavale de Berre n’a pas vocation à être une école, elle sert de base de soutien logistique. Les deux lieux sont très proches et l’amalgame entre les deux est relativement courant, le nom de l’étang n’arrangeant pas les choses !

D’autres pilotes civils confirmés viennent s’entraîner à Saint-Chamas. Deux femmes célèbres, Maryse Bastié (1898/1952) qui traversa seule l’Atlantique sud en 1936 et Maryse Hiltz (1901/1946) célèbre pour ses raids longue distance.

Maryse Bastié

Maryse Hiltz

Vers 1935/1936, l’école de Saint-Chamas assure également la formation des pilotes d’avion. Gnôme-et-Rhône possède un terrain à la Jasse, commune d’Eyguières.

C’est là que les candidats commencent leur formation. Les stages durent de 6 à 8 mois et les élèves sont ceux qui apprendront le pilotage des hydravions.

L’école de Saint-Chamas assure l’hébergement des élèves et des moniteurs. Il n’y a à la Jasse que les avions.

On mange, on dort à Saint-Chamas. Des services d’entretien sont installés à la Jasse pour s’occuper des avions. Tous les matins, départ à 06h00 de Gnôme-et-Rhône. Destination, le terrain de la Jasse ; cela d’avril à septembre. Comme les vols sont rendus difficiles par la chaleur qui règne dans la Crau, on ne s’entraîne que jusqu’à midi, une heure, puis on retourne à Saint-Chamas où les élèves ont quartier libre.

Quand cette formation est terminée, les mêmes moniteurs, tous militaires, dépendants pour la plupart de la base aéronavale de Berre, continuent leur enseignement sur les différents types d’hydravions. L’école fonctionne à Saint-Chamas pendant 8 mois, le stage d’Hourtin complétant cette formation.

Le terrain de la Jasse est ensuite abandonné pour celui du Luquier qui se trouve au nord du parc d’artillerie de Miramas. Il appartient à l’Armée de l’Air.

La formation des pilotes d’avion s’effectue sur des avions Henriot 182, biplaces à double commande, actionnés par des moteurs de 140 chevaux. Ils sont en bois recouvert de toile. Les moniteurs sont au nombre de cinq en moyenne. Ils ne restent que deux à trois ans pour la plupart.

L’enseignement pratique est complété par un enseignement théorique qui a lieu dans les locaux situés dans la partie nord du bâtiment administratif de Gnôme-et-Rhône.

Chaque moniteur a sa spécialité dans ces cours qui ne concernent soit que l’hydravion soit que l’avion.

Pour assurer le bon fonctionnement de l’école militaire dirigée par des civils, un personnel nombreux est nécessaire.

L’entretien des appareils fait appel à plusieurs corps de métier. D’abord les moteurs. Ils sont réparés, mis au point par une quinzaine de motoristes. Mais lorsque l’un d’eux est trop abîmé, il est envoyé à la base de Berre qui en renvoie un autre.

Les menuisiers, une douzaine, doivent entretenir le corps des appareils, réparer les coques et surtout réviser l’hydravion qui se déforme souvent et devient alors de plus en plus difficile à piloter.

Enfin, sous la direction de Monsieur Couturon, chef d’atelier, quatre entoileurs et deux entoileuses, réparent les toiles qui recouvrent l’appareil. Ces toiles fragiles sont souvent abîmées par les nombreux objets qui flottent sur l’étang.

Un chaudronnier refait les pièces des moteurs par exemple, ainsi que les divers réservoirs.

Deux manœuvres assurent les divers travaux de nettoyage. Ils participent également à la mise à l’eau des hydravions.

La grue placée sur un ponton à la côte, devant le hangar, met à l’eau des Morane et sort de l’eau tous les appareils.

Emplacement de le grue de nos jours.

Au bord de la côte, entre le Canet et Beaurivage, un plan incliné comparable à celui qui se trouve dans le port de Saint-Chamas, est utilisé pour la mise à l’eau des appareils à coque. Certains sont munis de roues amovibles qui permettent à l’hydravion de rouler du hangar à la côte. Ils sont ensuite mis à l’eau par le plan incliné. Des ouvriers qui sont protégés par des bottes qui remontent jusqu’à la poitrine, enlèvent les roues et l’appareil pris en remorque par une vedette gagne son aire d’envol.

Le plan de mise à l'eau aujourd'hui.

D’autres hydravions sont amenés à la base de mise à l’eau par une remorque aménagée pour ce service. Deux vedettes ayant deux hommes d’équipage, assurent les divers services de remorquage. Le vol sur l’étang n’est pas toujours facile. Il ne peut avoir lieu par temps de Mistral. Pendant les périodes de beau temps ensoleillé, nouvelle difficulté : la surface de l’eau est un véritable miroir qui rend difficile l’amerrissage. D’ailleurs, le 24 février 1934, un élève, pilote confirmé, s’est tué en manquant son arrivée sur l’eau.

Cet élève, on le retrouve de nos jours au cimetière de Saint-Chamas où il est enterré.

Son nom : Henri Van Den BRULE de REGIS.

Voici le texte de son épitaphe :

Ici Repose
Henri Van Den BRULE de REGIS
Élève Pilote à l'École d'Hydravion
Gnôme et Rhône
Décédé accidentellement
le 24 février 1934 à l'age de 19 ans
Puisse la Grande Âme d'un du Plessis
m'insuffler un peu de sa foi en
Dieu et de sa pureté de vie !
Priez pour lui !

 

Quand l’élève pilote est capable de se débrouiller seul, il s’installe dans la place réservée d’ordinaire au moniteur. L’autre siège est alors lesté pour stabiliser l’appareil.

Vers 1932/34, un pilote d’essais est venu expérimenter un nouvel hydravion construit en duralumin. C’est un échec. Un flotteur de l’appareil se brise à l’amerrissage.

Pendant la durée de l’école, on a toujours utilisé les hydravions en bois recouverts de toile.

Les premiers élèves qui fréquentèrent l’école, furent pour la plupart, des boursiers de l’Etat, âgés de 19 ans. Ils arrivaient après avoir passé leur brevet de pilote dans une école civile ou militaire, Istres quelquefois.

On a d’ailleurs évoqué Jean Mermoz un peu plus haut, on a vu qu’il fit ses débuts dans l’aviation à Istres en 1920.

Ils font un stage de 8 mois à Saint-Chamas pour apprendre le pilotage des hydravions.

Ils vont ensuite achever leur formation à l’étang d’Hourtin, dans la région bordelaise. Ils peuvent alors devenir pilotes civils ou s’engager dans l’Aéronavale.

Mais ce recrutement cesse rapidement par la diminution du nombre de bourses accordées par l’Etat. Des marins les remplacent et l’école est militaire bien qu’elle soit dirigée par des civils. Un premier maître et des quartiers-maîtres, détachés de la base aéronavale de Berre assurent la discipline militaire particulière à la Marine Nationale.

Régulièrement, un officier de la Marine vient inspecter l’établissement.

Les élèves ont leur réfectoire qui devient dortoir grâce aux hamacs accrochés aux murs de cette salle.

Les élèves mangent au réfectoire et les employés civils soit  apportent leur repas, soit l’achètent à un sorte de service spécial, self-service avant l’heure.

Les élèves sont habillés en marins. Ils sont tous des engagés de la Marine, admis à subir cette formation qui comprend toujours celle de pilote d’avion puis de pilote d’hydravion à Saint-Chamas puis à Hourtin.

L’école a continué de former des pilotes pour l’Aéronavale jusqu’en 1940. A la déclaration de guerre, les élèves en formation ont achevé leurs études.

La guerre ayant relégué l’hydravion aux oubliettes, l’école de Saint-Chamas n’a pas repris son activité.

Les différents types d’hydravions de l’école

Différents types d’hydravions à double commande équipent l’école. Un moteur Gnôme-et-Rhône en forme d’étoile équipe la plupart des appareils. Un Hispano-Suiza, en forme de V, équipe les autres. Ces deux sociétés sont d’ailleurs associées.

Hydravions à flotteurs :

Il semblerait que les appareils utilisés aient été de type Morane-Saulnier L ou H, à aile en parasol.

MORANE-SAULNIER TYPE L

Robert MORANE

Caractéristiques sensiblement identiques à celles du type H décrit ci-dessous après la photo.
L’adjonction de flotteurs à la place des roues en fit un hydravion.

 

MORANE-SAULNIER TYPE H
Robert MORANE
Avion
1913
Dim : Envergure 9.20 m x Longueur 6.40 m, poids : 400 kg.

Le Morane type H fait partie d’une famille d’appareils monoplans dessinés par Saulnier et apparaissant en 1912. Sa faible masse associée à un moteur puissant lui confère une grande popularité parmi les pilotes qui l’utilisent pour accomplir de grandes performances. Ainsi en 1913, aux commandes de ce modèle d’appareil Brindejonc des Moulinais effectue un voyage de 5000 km à travers l’Europe, sans aucun incident, et Roland Garros traverse la Méditerranée.

Hydravions à coque :

Les hydravions suivants n’ont plus de flotteurs, ils sont à coque et des stabilisateurs leur permettent l’amerrissage. Ces stabilisateurs sont formés de ballonnets. Les Canadairs actuels sont construits suivant le même principe.

Je vais tenter de vous faire une liste relativement exhaustive des différents appareils utilisés par l’école.

Quelques définitions :

CAMS (Chantiers Aéro Maritimes de la Seine)

FBA (Franco British Aviation)

Le premier hydravion à coque sur lequel les élèves apprennent à piloter est du type CAMS.

CAMS type 30 E – 1923. 30 T – 1924.

C’est un hydravion école produit à trente exemplaires.

Par le marché 432/3, la Marine française commande à la CAMS vingt exemplaires du type 30E, affectés à l’école de pilotage de Saint-Chamas où ils sont utilisés dès 1924, puis rapidement remplacés par des FBA type 17 HE2, l’appareil étant jugé dangereux à basse vitesse et les commandes lourdes.

Envergure 12,40 m

Longueur 9,28 m

Hauteur 3,12 m

Masse à vide 885 kg 892 kg

Masse en charge 1.180 kg 1.275 kg

Surface portante 43,00 m2

Equipage 2 / 4

Moteurs : Hispano-Suiza 8Aa 150 chevaux et Hispano-Suiza 8Ab 180 chevaux

Vitesse maxi 154 km/h /158 km/h

FBA type 17 HE2

Prototype construit à Argenteuil début 1923.

Moteur Hispano-Suiza V8 Aa de 150 chevaux puis V8 Ab de 180 chevaux.

Poids à vide : 850 kg avec le moteur Aa et 1040 kg avec le moteur Ab.

Charge utile : 300 kg.

Poids total au décollage : 1150 et 1330 kg.

Vitesse 170 km/heure.

Ce fut le premier modèle du type 17, (hydravion école biplace), destiné à la formation des pilotes de l’Aéronavale, il a volé en avril 1923 aux mains de Laporte.

Le FBA 17 HMT2.

Précurseur du type HT 4.

FBA type 17 HT 4

Construit à 35 exemplaires de 1927 à 1928.

18 livrés à la CAF.

4 aéronefs de ce type pour l’école, rachetés à la CAF  (Compagnie Aérienne Française).

Prototype construit à Argenteuil début 1927.

Moteur Hispano-Suiza V8 Ad de 180 chevaux.

FBA 172 (1932)

Construit à 6 exemplaires

Tous pour l’école

Prix unitaire 250.000 francs

A ce jour, je n’ai pas trouvé de photo de cet appareil. Son succès a été mitigé et seule l’école en disposera.

Il y en a également trois du type CAMS :

CAMS type 37-11 (ou 37 E)

Développé en 1931.

28 exemplaires dont 3 pour l’école de Saint-Chamas.

Utilisés de 1938 à 1940

Moteur V12 Hispano-Suiza de 450 chevaux.

Je n’ai pas trouvé non plus de photos à ce jour.

J’espère que ces quelques lignes vous auront permis de mieux connaître cette partie de l’histoire de Saint-Chamas qui reste très peu évoquée dans les différentes publications.

Remerciements :

Aux propriétaires du camping du Canet, qui m’ont accueilli avec gentillesse pendant mes recherches.

Au Musée de la SNECMA à Melun Villaroche en la personne de Monsieur Christian Tarantola.

 

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